L'American Dream de Thomas

Écrit par : Adèle Berroche

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Temps de lecture 12 min

Vous êtes nombreux et nombreuses à demander à Thomas qu’il raconte son parcours professionnel, et notamment son American Dream.

 

Pourquoi est-il parti aux États-Unis ? Est-ce difficile ? Comment a-t-il procédé ? Et surtout, est-ce que ça vaut le coup ? On fait le tour de toutes ces questions et on te donne un max d’info pratico-pratiques ! Pas de tabou, on parle aussi argent.

 

L’article est long : prépare-toi un bon chocolat chaud, installe-toi confortablement, et accroche-toi.

AU COMMENCEMENT DE L’AMERICAN DREAM

Un chemin tout tracé ?

Tu connais déjà peut-être cette histoire : Thomas tient son goût de la coiffure de sa maman, coiffeuse elle aussi. Petit, il traînait déjà dans son salon et l’observait travailler. Pourtant, en faire son métier n’était pas une évidence. Ado, il s’est un peu cherché, et s’est même essayé à la plomberie (eh oui, cela semble inimaginable aujourd’hui ). Il craignait notamment les étiquettes associées à la coiffure et se sentait bridé par certains standards masculinistes. C’est à l’âge de quinze ans qu’il suit ses envies et emprunte le chemin de la coiffure, sans savoir où cela allait le mener. Il travaille d’abord en tant qu’apprenti dans une franchise dans le Sud de la France, pendant quatre ans, pour préparer son CAP puis son Brevet Professionnel. Une fois les diplômes en poche, il quitte le nid familial et met le cap sur une grande ville, Lyon, pour s’ouvrir à d’autres opportunités professionnelles.

 

Il rejoint la même franchise et se fait la main. Sa curiosité et sa persévérance payent : du débutant peu agile, un peu “pataud” comme il dit, il devient de plus en plus à l’aise. Conforté dans ses choix, il se découvre une passion grandissante pour ce milieu et se prend vraiment au jeu.

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La frustration

Un événement régulier lui apporte beaucoup de frustration, cependant. Ses clientes lui montrent des images du résultat qu’elles souhaitent, mais Thomas ne peut les satisfaire car il ne sait pas réaliser ce genre de techniques. Son patron, lui, affirme qu’il s’agit de photographies photoshopées… Tu l’imagines bien, Thomas ne veut pas en rester là. Il se tourne alors vers Instagram pour suivre des experts coloristes beaucoup plus créatifs et originaux.

 

Ce qui aurait pu n’être qu’anecdotique fut finalement déterminant… C’est là que Thomas se rend compte qu’il n’évolue plus professionnellement, qu’il est coincé et ne peut nullement se projeter. En franchise, tout est très bien rodé. Les techniques sont répétitives, hyper normées : il faut respecter le temps et les tarifs. Pas de place pour la liberté et la créativité. Impossible de sortir des codes. Mais Thomas n’aime pas trop les codes, tu l’auras compris !

« Je me suis dit il faut que tu fasses quelque chose, tu n’as rien à perdre ! Il faut que tu voyages pour aller voir ce qui se fait ailleurs. »

C’est le point de départ d’un désir qui deviendra réalité.

SUR LE DÉPART

Une idée qui fait son chemin

S’expatrier aux États-Unis, c’est deux gros challenges pour Thomas, qui ne sait pas parler anglais et n’a pas l’habitude d’être seul. Pourquoi les États-Unis, alors ?

« Tous les coiffeurs que je suivais sur Instagram venaient des États-Unis. Je me suis dit qu’il y avait forcément quelque chose d’innovant et de beau à faire là-bas. »

Thomas anticipe alors ces difficultés en voyageant seul. Il commence à partir seul pendant deux ou trois jours dans des capitales européennes, et allonge progressivement la durée de ses séjours. C’est la débrouille, et ça lui plaît ! C’est aussi un moyen de tromper son ennui et de s’ouvrir au monde.

 

Pour améliorer son anglais, il fait ses armes… sur Netflix ! Petit à petit, il passe des versions françaises sous-titrées anglais pour repérer certains mots, apprendre du vocabulaire… aux versions originales sous-titrées anglais pour se faire l’oreille.

 

Enfin, troisième problème, et non des moindres : l’argent. Les USA coûtent très cher. Thomas économise patiemment tout en rêvassant à son projet futur. Sa “ville d’adoption” est déjà toute trouvée : il a jeté son dévolu sur San Francisco, influencé par les séries et films américains souvent basés dans cette ville (Charmed, tu connais ?).

Le coup de pouce du destin

Un soir, à la fin de sa journée de travail, une dame rentre dans le salon pour se faire couper les cheveux. Elle parle anglais. Thomas accepte de s’occuper d’elle pour tester ses connaissances. Il s’avère que Jane est américaine, et qu’elle vient de San Francisco. Thomas le voit comme un signe du destin. Il lui offre de lui couper les cheveux tous les mois, en échange de conversations en anglais. C’est le début d’une amitié.

 

Il lui raconte son projet. En surprise, Jane appelle sa meilleure amie de San Francisco, Susan, pour lui demander d’héberger Thomas. Elle a accepté. C’est cette mentalité américaine qui séduit complètement Thomas, car “Everything is possible”.

 

Cette accumulation de bonnes nouvelles assure à Thomas qu’il a fait le bon choix. Le projet se concrétise. L’objectif ? Partir cinq semaines à San Francisco, pour voir si le feeling passe avec la ville, les gens, et trouver un futur salon. Thomas fait sa demande de visa voyage, et quitte son travail, direction San Francisco.

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AMERICAN DREAM : LES PREMIERS PAS EN CALIFORNIE

Trouver un salon

Susan accueille Thomas les bras ouverts. C’est une femme d’affaires avec une mentalité baba cool des sixties. Ils se lient très vite d’amitié.

 

Susan fait tout pour l’aider et lui donner les bonnes adresses, les bons plans. Thomas n’est pas encore très à l’aise en anglais donc Susan l’accompagne un peu partout, notamment dans les salons pour parler business. Dès la première semaine, Thomas déniche la perle rare.

 

Il s’agit d’un salon français, LA référence du salon français aux États-Unis, “l’Atelier Emmanuel”. Le patron est installé là-bas depuis une trentaine d’années. C’est le seul Français, une vingtaine de personnes travaillent pour lui, dans deux salons différents. 

 

Thomas lui raconte son désir de se former aux USA. Tous les deux s’entendent immédiatement. Le patron lui propose de revenir plus tard avec deux modèles pour lui montrer ce qu’il est capable de faire.

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Deux jours plus tard, mission accomplie : le travail de Thomas plaît au patron qui décide de l’accompagner dans les formalités administratives. La procédure est longue, complexe, et coûteuse.

 

La procédure

1e étape

Prendre contact avec un avocat américain pour préparer la demande de Visa. Il faut monter un dossier, plutôt lourd. C’est très difficile de le faire seul, on a peu de chance de réussir, d’où la quasi nécessité d’être accompagné par un avocat. Il faut démontrer une particularité, un talent spécial, pour pouvoir prétendre à un poste d’abord destiné à un américain.

2e étape

Faire la demande de Visa auprès de l’ambassade américaine à Paris et transmettre le dossier.

3e étape

Passer l’entretien d’admission auprès de l’ambassade afin de présenter son dossier, ses motivations, son expérience. Cet entretien intégralement en anglais est très stressant, et décisif. Dès la fin de l’entretien, on sait si c’est validé ou non.

Et ce n’est que la première partie. Non, ce n’est pas fini !

4e étape

Se rendre aux États Unis, s’inscrire à l’école pour préparer un examen de cosmétologie, qui comprend non seulement la coiffure, mais aussi la manucure et les soins du visage.

5e étape

Passer l’examen aux États-Unis et obtenir le diplôme qui lui seul permet de travailler dans le pays (le diplôme français n’est pas valable).

Si le diplôme est obtenu, le Visa est enfin validé. C’est la condition sine qua non.

 

Durée moyenne entre le moment où l’on contacte l’avocat et celui où on passe l’entretien : environ 1 an. Si on accélère les démarches, six mois minimum.

1e étape : Monter le dossier

Toujours à San Francisco, Thomas commence à préparer son dossier avec l’aide de l’avocat. Il doit notamment prouver que cela fait plusieurs années qu’il travaille en France, fiches de paie à l’appui. Il doit fournir tous ses diplômes, ses bulletins scolaires, ses rapports de stage, et éventuellement les prix gagnés lors de concours. Puisqu’il présente le balayage comme sa spécialité, Thomas ajoute de nombreuses photographies de son travail. L’idée, c’est de démontrer qu’il peut partager le savoir-faire français aux Américains.

 

L’enjeu est double : pouvoir prétendre à un poste aux États-Unis + prouver qu’on a assez de compétences pour éviter un an d’école là-bas et passer directement le diplôme équivalent. 

 

Montant du dossier : 10 000 dollars. Ce montant peut être inférieur mais Thomas a choisi un avocat spécialisé dans l’immigration pour maximiser ses chances.

American Dream - Thomas Tuccinardi

Thomas profite du reste de son séjour pour visiter les environs. Puis, il rentre en France pour six mois, voire un an. Il se lance en tant qu’auto-entrepreneur et travaille à fond, 6 jours sur 7. Son nouvel objectif est de mettre un maximum d’argent de côté pour payer les frais administratifs (notamment les frais d’avocat et les allers-retours aux USA, 4 au total) et le futur déménagement.

 

Bon à savoir : il faut compter environ 500 euros pour un aller-retour Paris-San Francisco.

ENTRE LYON ET SAN FRANCISCO

2e étape : L’entretien d’admission

Vient ensuite le moment redouté : l’entretien d’admission à l’ambassade. Malgré la pression, Thomas est convaincant : il est éligible au Visa E2, un Visa de travail valable pendant cinq ans, sous réserve d’obtention du diplôme de cosmétologie.

 

Thomas appelle son futur patron à San Francisco pour lui annoncer la bonne nouvelle et le remercier. Tout n’est pas encore gagné, cependant.

 

Il se rend à nouveau aux États-Unis pour s’enregistrer là-bas en tant que futur résidant. Il s’inscrit également dans une école de coiffure pour obtenir le programme à réviser, et pour pouvoir passer le fameux examen.

L’examen

Le diplôme s’appelle “Cosmetologic Licence”. Il n’est pas spécifique à la coiffure, mais regroupe tout l’univers de la cosmétique. En fonction de l’État où l’on se rend aux USA, la législation est très différente, et le diplôme de cosmétologie aussi. En Californie, c’est particulièrement difficile car ils sont très scrupuleux sur les normes d’hygiène.

 

L’examen est en anglais. À ce moment-là, Thomas n’est pas “fluent”, peut-être à 50 % de ses capacités. C’est suffisant pour passer l’examen.

 

Les épreuves ne sont pas très compliquées mais il faut tout apprendre par cœur. Le premier test est un questionnaire de 100 questions à choix multiple. Il faut obtenir un minimum de 80 % de bonnes réponses pour le valider. Pour le préparer, Thomas a potassé un gros livre de cosmétologie qui englobe le cheveu, la peau, la biologie, les molécules, les manucures, les massages… Tout en anglais La deuxième épreuve est un test pratique, beaucoup plus simple. Thomas a dû réaliser un carré classique. Enfin, le troisième test est un massage du visage (effectué sur une poupée), et la pose de prothèses ongulaires.

American Dream - San Francisco - Thomas Tuccinardi

Ces épreuves durent de 5 heures du matin jusqu’à 16 heures, dans une école à une heure de San Francisco. Les sessions d’examen ont lieu tous les 3-4 mois. C’est une pression énorme : si Thomas échoue, il doit rentrer en France et attendre le prochain tour.

 

Le résultat est donné le jour-même.

« Avec beaucoup de travail, et beaucoup de chance, j’ai eu mon examen ! Ce souvenir est gravé dans ma mémoire : je reprends la voiture pour rentrer à San Francisco, un beau coucher de soleil m’accompagne… Je roule, roule, et je pleure, trop heureux. C’était magique. »

Thomas l’annonce à son patron, et ils fêtent la bonne nouvelle.

 

Puis, tout s’enchaîne : Thomas rentre en France, prépare son départ, met en location son appart, profite de sa famille et de ses amis, et il déménage enfin aux USA.

American Dream - Coucher de soleil sur le pont de San Francisco - Thomas Tuccinardi

LE DÉMÉNAGEMENT : LA CONCRÉTISATION DE L’AMERICAN DREAM

Le temps de trouver un appartement, Susan accepte de loger Thomas une nouvelle fois. La vie coûte très cher, particulièrement à San Francisco. Il faut donc s’assurer un revenu suffisant.

 

Thomas se renseigne sur les tarifs qu’il peut pratiquer. Deux statuts existent :

  1. Les Renters : Ce sont les professionnels qui louent des fauteuils dans un salon. Ce statut n’est pas accessible aux travailleurs étrangers.

  2. Les Commissions : Ce sont les professionnels commissionnés à 50% du chiffre d’affaires qu’ils génèrent. Forcément, le revenu évolue en fonction des prix des prestations.

Il commence alors à 3000 dollars de revenus par mois environ, avec un balayage affiché à 400 dollars. Il faut savoir que les clientes paient 10 à 20 % de la prestation en pourboire. Tout cela reste insuffisant, mais il a gardé de l’argent de côté. Il doit encore faire ses preuves et se constituer sa clientèle.

« Je conseille de partir avec minimum 8000 euros sur un compte pour anticiper les coups durs. Ça ne pardonne pas aux USA. »

Au fur et à mesure, Thomas progresse et se développe. Il met en avant son travail sur les réseaux sociaux. Son image de petit frenchie plaît beaucoup, et son agenda se remplit, jusqu’à devenir complet. Son tarif augmente alors petit à petit.

« La deuxième année, lors des très très très bons mois, je pouvais espérer gagner entre 7000 et 10000 dollars, tips inclus. »

Une petite précision importante : ce contrat de travail ne prévoit aucun congé. Chaque jour pris est un jour impayé. Les congés maladies n’existent pas non plus. D’ailleurs, l’assurance-maladie est un sujet très complexe aux États-Unis : il faut être bien assuré car les frais de santé coûtent très chers, même une simple prise de sang.

 

Une fois qu’il est à l’abri, bien installé et sans préoccupations financières, Thomas peut enfin se faire plaisir. La chance qu’il a, il la doit surtout à son patron, qui lui laisse carte blanche. Autodidacte, Thomas a alors l’opportunité de faire ce qu’il veut, d’expérimenter, créer, de prendre tout le temps nécessaire… Un luxe pour faire sa pâte.

American Dream - Maisons à San Francisco - Thomas Tuccinardi

LE RETOUR EN FRANCE

Thomas a vécu deux ans à San Francisco. Puis le Covid est arrivé.

 

C’est alors que l’ambassade française appelle Thomas, et le prévient d’un dernier vol depuis San Francisco vers la France. Il a 48 heures pour se décider.

« Je n’avais pas le droit au chômage, car je n’avais pas de Green Card, seulement un Visa. J’avais un loyer de 1800 dollars à payer… »

Pas le choix, il rentre. À peine le temps de vendre ses affaires et de vider son appartement qu’il se retrouve tout seul à l’aéroport.

« Je n’ai même pas pu dire au revoir à mes amis, on était déjà confinés. C’était une sensation vraiment étrange de me retrouver seul à l’aéroport. Mais je préférais voir les choses du bon côté, et envisager ce retour forcé comme un autre signe du destin. »

Son appartement à Lyon étant occupé par son locataire, il rentre chez ses parents, dans le Sud de la France. C’est le moment de rebondir. Il se lance une deuxième fois dans l’entreprenariat, et se lance un nouveau défi : se faire connaître à Lyon. L’objectif est de profiter du confinement pour préparer son retour à Lyon et planifier son agenda.

 

Il contacte alors Mary, son amie de longue date, pour l’aider à créer sa direction artistique. À l’origine, Mary est photographe de mode, et le confinement la prive aussi de son travail. Tous les deux commencent à promouvoir sur Instagram les balayages réalisés par Thomas à San Francisco. Les gens s’abonnent petit à petit, et suivent son travail, sans même le connaître. Deux semaines avant la fin du confinement, il ouvre son planning de rdv. En 24h seulement, il est déjà complet sur trois mois !

 

La suite de l’histoire, tu la connais : Mary a décidé de poursuivre l’aventure avec Thomas et ils se sont associés. Depuis, ils ont ouvert leur propre salon de coiffure à Lyon, réuni une équipe de 10 personnes, et ils envisagent désormais d’ouvrir un second salon, sur Paris.

American Dream - Lyon - Tuccinardi
American Dream - Salon Lyon Thomas Tuccinardi

On espère avoir répondu à un maximum de tes questions. N’hésite pas à poster un commentaire si tu veux davantage de précisions. Ça a été un plaisir, avec Thomas, de se retourner sur le passé et de retracer ce parcours incroyable. Son expérience à San Francisco a peut-être été la chance de sa vie. Pour le moment, en tout cas ! C’était une opportunité professionnelle incroyable, extrêmement enrichissante et formatrice, dont il ne regrette rien. Si tu souhaites connaître plus de détails sur ses découvertes et son travail aux États-Unis, tu peux lire cet article dédié à son partenariat avec Olaplex.

 

Je lui laisse le mot de la fin :

« Si toi aussi tu as envie de partir travailler à l’étranger, que ce soit dans la coiffure ou ailleurs, aux États-Unis ou ailleurs, je n’ai qu’un conseil : fonce ! Si tu as peur, c’est normal, suis simplement ton intuition. Elle mène à de grandes choses. »

Adèle Berroche, Content Manager.

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Commentaires

Bonjour Mary et Thomas, déjà bravo pour cette article !
Je m’appelle Timothé j’ai 20 ans et je suis passionnée de coiffure depuis tout petit !
Cependant j’ai tout de même une question ?
A tu des salons de coiffure a me conseiller car je vais faire une demande de bourse pour partir 1 ans en Erasmus au E.U, j’aimerai vraiment pouvoir apprendre beaucoup de choses la bas et en découvrir un peut plus sur le pays, pour maximiser mais chance il faut que je rentre en contacte avec des salon de coiffure qui serai potentiellement intéresser pour travailler pendant 1 ans !
Donc si tu a des salon a me conseiller ca serait vraiment trop gentil ! J’imagine que tu ne le fait pas pour tout le monde donc si jamais tu souhaite me rencontrer avant pour te faire une idée sur ma personnalité se sera avec grand plaisir !!!
Je suis de Vichy dans le 03

En attente de ta réponse je te remercie !

Timothé

Timothé Morlat

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